"La gaine réunit en elle l’artificiel et l’érotique, au-delà des contingences matérielles de la reproduction. […] Je ne pouvais qu’admirer l’art suprême du marchand étranger qui venait proposer aux hanches des Urbinataliennes [habitantes de « Ville Natale », cadre du récit] l’exaltant artifice qu’il avait inventé, artifice et réalité en quoi la pureté de l’idée, la valeur de la ligne et la géométrie du sexe se joignaient pour s’étendre au corps entier. La matière même de cet objet représentait le métaphorique équivalent de l’élasticité de la chair féminine. […]
Le moulé a remplacé le drapé. Ce ne sont plus les plis d’amples étoffes qui subliment la beauté de la femme, mais la forme soulignée au plus près de sa perfection, et corrigée s’il y a lieu selon les principes d’une règle intellectuelle : le soutien-gorge, la gaine, le bas de soie manifestent clairement cette évidence et la traduisent par leur charme. Et le nu s’élève ainsi à la dignité du déshabillé. Sveltesse, force, souplesse, grâce à ces vertus, relèvent de la stricte pureté des lignes."
Raymond Queneau, Saint Glinglin (1948)