Un témoignage émouvant, qui montre combien les bas, pour des générations de filles, ont accompagné le passage de l'enfant à la femme...
Un soir, j'ai eu la permission d'aller à une surprise-party avec le fils de notre médecin de famille, Gilles Martini. Il me faisait penser au Thomas Diafoirus du Malade imaginaire: Maigrelet, avec des lunettes et de rares cheveux filasses, mais d'une éducation parfaite, d'une instruction complète, il était déjà étudiant en médecine ! Pour l'occasion, maman me prêta une de ses robes (trois fois trop grande, trop longue, trop large) et j'eus le droit de mettre des vrais bas nylon avec un porte-jarretelles... Qu'importait la robe, j'avais des bas ! J'étais fière, j'avais envie de retrousser mes jupes pour montrer à tout le monde que je n'étais plus une gamine !
Une gamine, je l'étais pourtant encore, malgré mon porte-jarretelles, car lorsque mon chevalier "servant" vint me chercher, mon père lui dit que j'avais la permission de Minuit et que chez lui, le règlement était militaire lorsqu'il s'agissait d'obéissance ! Mon étudiant en médecine s'inclina et m'emmena. La soirée fût à l'image de celui qui m'avait conviée: à part mes bas, rien ne m'a particulièrement enchantée ce soir-là !
(Brigitte Bardot, Mémoires).